Laboratoire parcellaire

© C. Loncol Daigneault, 2009

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© C. Loncol Daigneault, 2009

Activité Entete

Laboratoire parcellaire

avec Daniel Canty, Caroline Loncol Daigneault, Chantal Neveu et Jack Stanley

Résidence
automne 2009 - hiver 2010

avec la collaboration du laboratoire NT2

 

 

Le Laboratoire parcellaire est un projet de résidence et de publication hypermédiatique invitant quatre auteurs à « fouiller » le terrain d’exploration d’OBORO et de sa programmation 2009-2010 afin de dégager des pistes de réflexion, d’y puiser de la « matière à fiction », de questionner les œuvres, les événements, ainsi que les mécanismes et le contexte qui les entourent.

Au cœur des activités qui se trament à l’intérieur et à l’extérieur des murs de la galerie, les auteurs du Laboratoire parcellaire seront invités à cibler des détails. À un regard « posé de loin », ils privilégieront un regard « posé de près », qui isole et examine des détails des œuvres, et qui choisit soigneusement, intuitivement, systématiquement le contexte. Cette information parcellaire, recueillie par chacun des auteurs, formera les motifs, multiples et hétérogènes, de ce Laboratoire.

Daniel Canty Le corridor secret
OBORO porte bien son nom circulaire. Une galerie est par définition un lieu de passage. Les expositions se succèdent, des visiteurs apparaissent et disparaissent, pour la plupart sans laisser de traces (il est, après tout, bien souvent interdit de toucher). Dans une enfilade de chambres blanches, percée de puits de lumière, des objets sont momentanément disposés, des gestes et des regards posés. La pure géométrie des lieux importe peu. Le temps passe à travers les murs. Les consciences aussi. Ces faits nous apprennent, contre toute évidence, à nous réconcilier avec l'intimité de la matière.

Les mots, qui sont la matière de la langue, n'existent pas seuls. Le mot qui nomme la galerie cachera toujours un espace creux où nous pourrions nous aventurer, si seulement nous en reconnaissions l'entrée. Je vois le Laboratoire parcellaire comme un lieu fantôme, momentanément relié à l'espace d'OBORO, et proche voisin de ces chambres dérobées dont j'ai jadis entrevu les portes au fond de la penderie.

Et je pense d'abord le détail, clef désignée de notre recherche, comme une forme du détachement. Ce mot contient l'idée d'un prélèvement, synecdoque du regard où la partie sert d'éclairage au tout, en déplace l'évidence ou, pourquoi pas, vient se substituer à lui. Puisque nous serons quatre à hanter avec nos langages l'espace et le temps d'OBORO, j'y reconnais aussi le sens d'un groupe, mandé d'une mission, et nous vois devenir aventuriers de l'indifférence, passe murailles traversant la matière des mots et des images aussi aisément qu'on passe en rêve au revers d'une penderie.

Caroline Loncol Daigneault - Au rez des choses
Des lettres tombées au sol, je fabrique un blason.
Aux auteurs, je lance les gilets, distribue les trousseaux.
La chasse aux infinitésimaux est ouverte et parcellaire.

Des expositions, des événements, ce sont les sous-textes qui m’appellent. Les préparatifs, alors que la poussière se soulève, ou les creux, alors qu’elle retombe.

Dans la galerie, les studios, le hall ou les bureaux, j’irai vers l’infra. Dans ma mire, la fabrication de l’œuvre et son histoire résiduelle, le contexte de son apparition et de sa disparition, à travers les gestes et les paroles des artistes, des techniciens, des coordonnateurs, des employés, des passants et des auteurs disséminés dans le lieu.

En ce Laboratoire, je serai attentive à ce qui s’agite ou se repose au rez des choses et même dessous.

Chantal Neveu Local
Au sein de ce Labo parcellaire, je propose Local. Une immersion « d’écrivante » sur place avec vous. Avec ce Local, je poursuis ma pratique d’écriture fondée sur le scriptage, une méthode de notation de ce qui se dit, de ce que j’entends ou perçois. À la manière du direct, je me déplace avec vous et auprès de vous dans les locaux d’OBORO. À la fois témoin et scripte, je cadre et transcris littéralement des phrases dites et entendues, des mots échangés entre nous, des mots et des phrases comme autant de détails qui surgissent au fil du travail, des fréquentations et des semaines. Quelques questions infléchissent le sens de ma cueillette : qu’entendons-nous, comment nous entendons-nous, comment ne nous entendons-nous pas et comment profitons-nous des détails ou des écarts pour accueillir ce qui apparaît ou ce qui arrive? En privilégiant une attention à certains mots de tous et de chacun chacune, j’élabore une sorte de procès-verbal troué, infra-texte in process in progress, foisonnant, subjectif et indifférencié, à la faveur de ce qui se passe ou de ce qui passe.

Je monterai et arrangerai cette matériologie verbale, mémoire-miroir, artefact mobile et elliptique d’une oralité mixte et commune pour en composer un continuum textuel, une expérience scriptura, c’est-à-dire mon expérience médiumnique de l’écriture, extrêmement documentaire et totalement fiction.

Jack Stanley – Contextes et commencements
J’écris depuis English Harbour. Le four à bois est allumé parce qu’il fait froid et humide. Mes projets pour le Laboratoire parcellaire? Par où commencer? Je suis ici, dans une petite communauté qui est un port secondaire de Terre-Neuve. Je ferai la navette entre Montréal et English Harbour tout en travaillant à ce projet. Les différences entre ces contextes, entre une culture « cosmopolite » et des pratiques culturelles et des attentes plus « provinciales-régionales », joueront certainement un rôle important dans mon écriture.

Depuis longtemps, je m’interroge sur l’utilisation non critique des nouveaux médias et de la technologie numérique par les artistes. C’est là une des raisons pour laquelle ce projet me stimule autant. Le Laboratoire parcellaire m’entraînera au cœur de tout cela. Je me propose de travailler de près avec des gens ayant un engagement profond envers les nouveaux médias. Je pourrai voir et sentir ce qui se produit dans mon travail et dans celui des autres quand ils prennent cette forme. Je suis intéressé à voir comment la forme évolue en réaction au contenu que nous nous soumettons et que nous échangeons.

Ici, dans ce gribouillis et ce griffonnage (un gros crayon sur une feuille jaune), j’entends les divagations de Heidegger sur le langage, l’identité et la différence, sur la proximité et la distance, sur ce qu’est une chose, voire sur l’origine de l’œuvre d’art. La phénoménologie est à la base de mon art et de ma vie. J’ai été attiré par la philosophie comme moyen de trouver les mots pour décrire mon expérience des œuvres d’art. La poésie serait sans doute mieux. Ce qui me mène au travail de Cixous. Son écriture – fiction, critique littéraire, théorie féministe – m’accompagnera tout au long de ce projet.

J’ai inauguré ce texte par un renvoi aux « commencements ». Par où commencer? J’aime la relation entre les « commencements » et « le détail ». Cette idée me servira de point de référence en cours de projet. Ce sera un point de départ continu.

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Daniel Canty

Daniel Canty est l’auteur d’un récit, Les États-Unis du vent (2014), d’un roman, Wigrum (2011), et le « metteur en livre » de la trilogie La table des matières : Le Livre de chevet (2009), La Table des matières (2007) et Cité selon (2006). Son premier livre, Êtres artificiels (1997), racontait l’histoire des automates dans la littérature américaine du 19e siècle.

Jack Stanley

Jack Stanley a terminé ses études au Nova Scotia College of Art and Design en 1993. Il a participé à une grande variété d’activités dans le milieu des organismes d’artistes autogérés de Montréal, à titre de membre du conseil d’administration de la Galerie Articule, d’indexeur à Artexte, de commissaire et de critique indépendant, et d’assistant technique pour de nombreux artistes. Avec sa conjointe Vida Simon, il a organisé des expositions et des événements pour Souffles, une galerie installée à même leur résidence.