Edon DescollinesJoe Jack et JohnLe trou noir
© Edon Descollines, view of the performance Le magasin ferme, 2021. Photo: Marie Sebire
C’est à partir de listes multicolores consignées dans ses cahiers, aux éléments en apparence déconnectés, qu’Edon Descollines cherche à développer un langage verbal, corporel, visuel et sonore qui lui est propre. Très libres, ces listes sont rédigées hors de tout cadre et ne répondent à aucune logique, aucune exigence. « Ce sont des mots qui vivent dans ma tête, ils sont venus à moi. Y’a pas de jugement dans ces mots-là. Ils font du sens, ils sont doux à entendre. » Cette constellation de mots est une piste sur le chemin que l’artiste tente de tracer entre la mémoire et l’oubli, l’ombre et la lumière, entre lui-même… et le néant ?
À ces énumérations s’ajoute un deuxième point de départ dans le processus d’Edon : une quantité infinie d’enregistrements qui documentent son quotidien. Sans relâche, il capte les sons qui l’entourent, les questions qui l’habitent, les pensées qui l’animent et les sensations qui le traversent. Ces archives sont multifonctions : elles occupent son quotidien et constituent du matériau pour ses créations à venir. Elles constituent aussi, peut-être, une manière de circonscrire son identité et de comprendre qui il est ? « Je passe mon temps à m’enregistrer, je ne sais plus ce que j’enregistre. Je pense que j’essaie d’enregistrer tout ce qu’il y a à l’intérieur de moi. »
Grâce à ces procédés d’accumulation, il lève le voile sur ses questionnements existentiels : « Comment utiliser mon cerveau si je deviens Alzheimer pour ne pas oublier qui je suis ? » Cette interrogation qui revient tel un leitmotiv fait forcément écho au travail de création : est-ce que l’œuvre d’art est un moyen de laisser la trace de son existence humaine pour ne pas sombrer dans l’oubli ou disparaître au fond d’un trou noir ?
© Edon Descollines, view of the performance Le magasin ferme, 2021. Photo: Marie Sebire
Depuis 2019, Joe Jack et John a instauré un programme de leadership artistique qui permet à des artistes vivant avec une différence intellectuelle d’initier et de diriger une création de leur cru. À la suite d’une résidence artistique de deux ans, Edon Descollines a présenté la performance Le magasin ferme (MAI, 2021), la première œuvre scénique portée par un artiste neurodivergent à être présentée sur une scène professionnelle au Québec. Le plus récent projet qu’Edon developperra chez OBORO porte le titre de travail Le trou noir. Tout comme pour sa première performance, Edon est accompagné artistiquement par Emma-Kate Guimond, qui occupe le rôle d’« alliée créative ». Dans le cadre de cette collaboration, Emma-Kate devient une complice pour Edon, qui fait appel à elle pour faciliter l’expression de ses idées et l’exploration de divers matériaux créatifs. Un deuxième allié s’ajoute au processus en la personne du concepteur sonore Arthur Champagne.
Pour en savoir plus sur notre programme de leadership artistique et le rôle d’ allié·e créatif·ive : https://joejacketjohn.com/leadership-artistique/
Joe Jack et John est une compagnie de théâtre performatif, collectif et inclusif empruntant aux vocabulaires des arts visuels et de la danse. Prônant un discours engagé, sa démarche artistique vise à interroger la notion de norme sociale en collaborant notamment avec des artistes professionnel·le·s ayant un handicap cognitif ou issu·e·s de divers horizons.
La compagnie privilégie l’écriture en collectif basée sur les principes d’autodétermination et de décolonisation, où des questions sociales sont au cœur des œuvres. La singularité de ses distributions concerne autant la recherche esthétique que la rencontre humaine et vise à faire entendre une parole peu écoutée, à faire réfléchir sur des enjeux contemporains et à faire avancer le dialogue de notre société à travers l’art.